ESPACES CONTEMPORAINES

LA MAISON DU LAC
À Genève, cette villa s'étire le long du paysage comme un reflet sur le miroir de l'eau.

En balcon sur le Léman se trouvait à l’origine, dans les années 1960, un bâtiment occupé par des bureaux. L'architecte Philippe Meyer a radicalement choisi de libérer l’espace en abattant l’ensemble des murs de façade, ne conservant que les porteurs et les dalles d’origine. Au volume existant ont été ajoutées, face au lac, des terrasses, l’une de 40 m? et l’autre de 80 m?. La villa s’étire ainsi désormais sur 40 mètres linéaires, soulignés par la ligne presque sans fin d’un garde-corps. Judicieusement surélevé, celui-ci porte de larges baies coulissantes définissant l’espace abrité et trace une évidente parallèle avec le lac et l'horizon. Au fil de ce tracé, le regard scanne le panorama qui se déroule comme un long travelling au rythme des lames verticales qui soutiennent la structure.

UNE COMPOSITION HORIZONTALE
La toiture est également soutenue par un mur porteur longitudinal qui délimite chambres et services au rez-de-chaussée, et hall et espaces majeurs à l’étage. Ce mur est percé de façon aléatoire d'ouvertures qui, dotées de portes coulissantes, offrent ponctuellement des vues croisées à l’intérieur de la maison. Revêtu d’argile, dont la nuance subtile et la profondeur ont été obtenues à l’aide de pigments provenant de la région de Sienne, sa mise en œuvre à été confiée à la société Matteo Brioni de Mantoue.
Le rez-de-chaussée accueille principalement les chambres et salles de bains réservées aux enfants et aux invités. Il a été conçu dans une proximité avec le jardin et il reçoit une façade bois de tonalité noire devant laquelle coulissent des volets à claire-voie en bois naturel.
«Porté par un garde-corps sans fin, le regard scanne le paysage à la manière d’un long travelling »
Si le rez-de-chaussée entretient une intimité avec le jardin, l'étage lui accueille et capte le paysage au plus loin, l' ensemble combiné permet ainsi deux niveaux de lecture distincts et complémentaires. On y accède par un escalier qui apparaît comme creusé dans un bloc de travertin, pierre qui recouvre entièrement le sol intérieur et se prolonge sur les terrasses. Les ouvertures pratiquées dans le mur porteur offrent un jeu de vues et de non-vues sur les espaces de séjour qui se déroulent sans rupture derrière l’écran de verre de la façade. La chambre principale qui prend également place à l'étage est simplement délimitée par un panneau de verre, gravé de lignes verticales vert bronze par les ateliers de Guillaume Saalburg (Techniques Transparentes, Paris). Intérieurement, un rideau disposé en périphérie de la pièce lui procure un surcroît d’intimité.
La villa est, à l’étage, entièrement enveloppée de verre. Afin de ne pas interrompre la continuité du matériau et de générer un effet miroir, les murs de contreventement ont été revêtus de verre émaillé de couleur bronze. Les profils extrêmement fins des vitrages coulissants et des portes pivotantes sont en aluminium noir mat et proviennent de l'entreprise portugaise Otiima. Extérieurement, un large bandeau habillé d’aluminium éloxé vient couronner la partie supérieure du bâtiment. Son apparente lourdeur vient contraster et renforcer la légèreté de l’ensemble.
«Un promontoire ouvert à la vue, à l’air, à la lumière »

À L'INTÉRIEUR
Au rez-de-chaussée, les sols sont revêtus d’un parquet en chêne dont la particularité est de se décliner en deux formats de lames (26x52 et 26x78) permettant diverses combinaisons. Distribué sous le nom de Formpark, ce parquet a été conçu par feu Hannes
Wettstein. En hommage au designer décédé prématurément, l’architecte Philippe Meyer a décidé de l’utiliser dans tous ses projets.
L’ensemble des boiseries de même que les garde-corps de l'étage sont réalisés en sucupira, une essence en provenance du Brésil s’apparentant à l’acajou. Les volumes de la hotte de cuisine et de la cheminée sont en acier noir ciré. De même que le cendrier et le tisonnier, une astucieuse création de Philippe Meyer, dont le seau rempli de sable évite les salissures dues au travail du feu. Dans les salles de bains, murs, sols et plafonds sont recouverts de résine Kerakoll dont la gamme a été développée par le designer milanais Piero Lissoni.

UN CADRE EXCEPTIONNEL
La villa s’insère dans un jardin de près de 2000 m2 abondamment arboré. Les grands arbres existants sont complétés de plantations
nouvelles de pins, de cyprès et de cerisiers du Japon. Au sein de cet écrin végétal, ouvert sans cesse aux reflets changeants du lac, l' architecture de cette villa cherche à gommer toutes limites et décline un paysage chaque jour réinventé.


Evelyne Malod-Dognin

Philippe Meyer Architecte - ESPACES CONTEMPORAINES