FACES No 44

BOÎTE NOIRE
”La transparence, c’est avant tout la façon d’imprégner une architecture du site environnant, de favoriser l’interférence de lêxistant et du construit, d’intégrer tout le milieu ambiant comme composante à part entière de l’espace créé. Elle implique par nature de composer avec la variation de ce milieu, variation de lumière et de couleur” (Jean Nouvel).

Un monolithe noir, un vaisseau sorti tout droit de la guerre des étoiles et abandonné là par Darth Vador, et taggé par un Malevitch fou. Et si doux, cependant, familier. Presque invisible, parmi les arbres et l’herbe qui se reflètent, participant d’une esthétique de la disparition autant que d’une séduction qui n’aurait, par magie, plus rien de maléfique. Un repos, une absence, une parenthèse. Un coffre immatériel. Un trou noir, où vient se perdre toute lumière pour en renaître transfigurée, pleine de ces paillettes d’or que l’on trouve dans ces vieux miroirs dont le tain s’est estompé. Pas un noir d’encre, ni de nuit ni de jais ni de corbeau: pas assez bleuté. Un noir d’ébène, plutôt, un noir de scène, un noir de nuit artificielle, de ce noir où l’on reste plongé lorsque les parents ont éteint la lumière mais que l’on sent leur présence encore proche avant de sombrer dans le sommeil. Une obscurité, et non pas des ténèbres. Un noir de spectacle, avant que le rideau ne tombe, un noir de théâtre. Parce qu’à l’intérieur, c’est encore noir. Mais d’un noir d’arrière scène, plutôt, de coulisse, où la lumière du jour ne pénètre qu’à travers de petits soupirails, bientôt remplacée par les spots de couleur, les projecteurs, les rampes. Autant de feux dans la nuit, autant d’étoiles. Et c’est bien ce noir intérieur là qui passe à travers la surface soudain poreuse de l’enveloppe, c’est bien ce noir là qui fait signe au dehors, c’est bien lui qui illumine le reflet des arbres et de l’herbe autour. D’une obscure clarté. Dans une mise en scène de toutes les lumières possibles.
Est-il encore besoin de dire, alors, qu’il fut bâti en temps record et pour une somme dérisoire, que son but est d’abriter un atelier de théatre pour enfants, qu’il sera démonté et remonté chaque saison? Non. Il y a là bien plus qu’une belle réponse fonctionelle à un problème posé. Il y a preuve. Preuve que ce réflexe omniprésent, qui veut que tout ce qui touche aux enfants doit être gai, ludique et donc fatalement colorié, est bien une méchante idée d’adultes, et que l’imaginaire des enfants ne se cantonne pas, seulement, à Mickey Mouse. Demandez-leur. Ils vous répondront que”dans le noir, toutes les couleurs s’accordent” (Bacon)
Dans le noir, aucun jeu n’est inderdit. A l’intérieur d’un trou noir, il y a implosion, ou anti-matière. Les idées qui président à la conception du projet placent l’architecture dans une perspective figurative, elle exprime la figure symbolique de ce qu’elle contient selon une typologie symbolique en plus d’être seulement fonctionelle.

Philippe Meyer

BOÎTE NOIRE

”La transparence, c’est avant tout la façon d’imprégner une architecture du site environnant, de favoriser l’interférence de lêxistant et du construit, d’intégrer tout le milieu ambiant comme composante à part entière de l’espace créé. Elle implique par nature de composer avec la variation de ce milieu, variation de lumière et de couleur” (Jean Nouvel).

Un monolithe noir, un vaisseau sorti tout droit de la guerre des étoiles et abandonné là par Darth Vador, et taggé par un Malevitch fou. Et si doux, cependant, familier. Presque invisible, parmi les arbres et l’herbe qui se reflètent, participant d’une esthétique de la disparition autant que d’une séduction qui n’aurait, par magie, plus rien de maléfique. Un repos, une absence, une parenthèse. Un coffre immatériel. Un trou noir, où vient se perdre toute lumière pour en renaître transfigurée, pleine de ces paillettes d’or que l’on trouve dans ces vieux miroirs dont le tain s’est estompé. Pas un noir d’encre, ni de nuit ni de jais ni de corbeau: pas assez bleuté. Un noir d’ébène, plutôt, un noir de scène, un noir de nuit artificielle, de ce noir où l’on reste plongé lorsque les parents ont éteint la lumière mais que l’on sent leur présence encore proche avant de sombrer dans le sommeil. Une obscurité, et non pas des ténèbres. Un noir de spectacle, avant que le rideau ne tombe, un noir de théâtre. Parce qu’à l’intérieur, c’est encore noir. Mais d’un noir d’arrière scène, plutôt, de coulisse, où la lumière du jour ne pénètre qu’à travers de petits soupirails, bientôt remplacée par les spots de couleur, les projecteurs, les rampes. Autant de feux dans la nuit, autant d’étoiles. Et c’est bien ce noir intérieur là qui passe à travers la surface soudain poreuse de l’enveloppe, c’est bien ce noir là qui fait signe au dehors, c’est bien lui qui illumine le reflet des arbres et de l’herbe autour. D’une obscure clarté. Dans une mise en scène de toutes les lumières possibles.
Est-il encore besoin de dire, alors, qu’il fut bâti en temps record et pour une somme dérisoire, que son but est d’abriter un atelier de théatre pour enfants, qu’il sera démonté et remonté chaque saison? Non. Il y a là bien plus qu’une belle réponse fonctionelle à un problème posé. Il y a preuve. Preuve que ce réflexe omniprésent, qui veut que tout ce qui touche aux enfants doit être gai, ludique et donc fatalement colorié, est bien une méchante idée d’adultes, et que l’imaginaire des enfants ne se cantonne pas, seulement, à Mickey Mouse. Demandez-leur. Ils vous répondront que”dans le noir, toutes les couleurs s’accordent” (Bacon)
Dans le noir, aucun jeu n’est inderdit. A l’intérieur d’un trou noir, il y a implosion, ou anti-matière. Les idées qui président à la conception du projet placent l’architecture dans une perspective figurative, elle exprime la figure symbolique de ce qu’elle contient selon une typologie symbolique en plus d’être seulement fonctionelle.

Philippe Meyer

Philippe Meyer Architecte - FACES No 44