HOMMAGE
À VINCENT MANGEAT
Vincent Mangeat 1941-2025
« Dans ses récits de voyage, Marco Polo donne à l’empereur commanditaire des horizons intriqués, en boucle !
On avait donc compris, enfin, que la Terre était ronde !
C’était comment au commencement ?
Comment ça commence, l’architecture ? »
Dans les mots, dans ses mots, on pouvait reconnaître « les pierres » de son cours.
De son cours d’architecture qui s’est pour l’essentiel concentré sur les fondamentaux capables d’inventer une intelligence d’architecte.
Ces quelques mots, distillés auprès de nous, ses assistants, auprès de milliers d’étudiants, à tous comme à chacun, le résument ou, tout au moins, nous permettent de le deviner.
Comment évoquer Vincent Mangeat sans cette notion de partage à laquelle il tenait tant ?
Les mots, les mots justes, ceux qui précisément suggèrent, désignent, identifient.
Il n’est pas surprenant que l’ouvrage qu’il aimait à retrouver, à saluer, était cette Maison de l’Écriture qu’il réalisa à Montricher.
L’architecture s’écrit, se parle, l’architecture s’énonce, et Vincent Mangeat chérissait le verbe, parfois même le verbe haut.
Car il fallait l’entendre disserter autour de chacun des thèmes abordés, pour être captivé par sa conviction, qu’il ponctuait parfois d’un claquement de semelle.
Il fallait le voir au-devant d’architectures, d’architectures qui s’admirent debout, littéralement déclamer pour nous communiquer sa passion, pour donner, offrir, à chacun de nous le goût et l’essence des choses, et dire : « Ce que tu veux faire, fais-le, mais fais-le avec conscience. »
Alors oui, l’architecture commence et finit par les pierres, et Vincent aimait, pour l’illustrer, citer Marguerite Yourcenar :
« Construire, c’est collaborer avec la terre : c’est mettre une marque humaine sur un paysage qui en sera modifié à jamais ; c’est contribuer à ce lent changement qu’est la vie des villes.
Construire, c’est collaborer avec le temps sous son aspect de passé, en saisir ou en modifier l’esprit, lui servir de relais vers un plus long avenir ; c’est retrouver sous les pierres le secret des sources. »
Et je repense alors à un très simple, et pourtant très complexe projet : un hangar agricole, un hangar dans un champ, à Tannay.
Un profil qui ne sacrifie rien aux modes, qui traduit subtilement l’utile, et bien plus encore : la sensibilité et la responsabilité d’un architecte en regard d’un paysage.
Au revoir Vincent.